Régions, Cultures et Change Management

28 Jun 2018

Tour d'horizon du panorama international, des défis locaux aux facteurs facilitant l'adoption du CM.

author picture Article written by Vincent Piedboeuf

Le Change Management est avant tout une affaire de personnes, lesquelles sont naturellement porteuses de valeurs et de croyances. On comprend donc facilement pourquoi la sensibilité culturelle des leaders (global literacy) importe autant[1]. Mais en quoi ces différences affectent-elles le Change Management en pratique ? Comment ces singularités s’expriment-elles sur le terrain ?

Prenons le cas de l’Europe par exemple. Il n’est pas facile de discuter des émotions au travail. En conséquence, les transitions individuelles sont souvent négligées malgré le fait qu’elles constituent un aspect critique du changement. Une bonne compréhension des cultures et de ce qu’elles supposent en termes de normes et tabous permet donc d’ajuster l’ensemble des actions, formations et autres efforts de communication.

Des défis locaux aux facteurs facilitant l’adoption du CM, nous vous proposons une première exploration du panorama international. Voici donc, de façon synthétique, les résultats d’une enquête globale conduite par PROSCI[2].

Bref tour d’horizon.

De façon générale, on assiste à une prise de conscience de plus en plus nette de l’importance du Change Management. C’est particulièrement vrai aux Etats-Unis ; ça l’est un peu moins en Amérique du Sud, région qui se situe statistiquement en queue de peloton. L’analyse des représentations véhiculées offre un tableau contrasté. Des variations en termes de perception et de compréhension du Change Management entraînent une application parfois incohérente ou fragmentée dans des régions où la discipline jouit pourtant d’une bonne visibilité (Australie). On remarque également des dissonances au sein de régions où l’intérêt pour le CM est en pleine émergence, comme en Afrique. Une approche plus sélective du CM  ̶  conçu comme un mélange de communication et de formation  ̶  reste dominante dans une grande partie du monde occidental ainsi qu’en Asie, où le style de gestion autocratique constitue un vrai défi. Ceci contribue malheureusement à alimenter la croyance selon laquelle le CM est optionnel, flou, et dans le pire des cas, peu significatif.

Il reste encore du chemin à parcourir pour que le Change Management reçoive la considération qu’il mérite et ce, au-delà des tâches spécifiques qui lui sont généralement attachées. Dans l’ensemble des régions, le rythme élevé des projets et les contraintes d’un calendrier serré constituent de sérieux obstacles à la mise en place et bonne marche des activités liées au CM.

Des activités ou formats pas toujours adaptés.​

En matière d’application du CM, il n’y a pas de recette universelle. Certaines activités ne donnent tout simplement pas les mêmes résultats selon l’endroit où elles sont déployées :


Afrique : L’autorité, le statut et la réputation sont des variables importantes à prendre en compte lorsqu’il s’agit d’encadrer les employés et obtenir un véritable engagement de leur part. Le « coaching » représente une menace qui affecte négativement l’image des managers. Au-delà du fait que le changement soit perçu comme un véritable facteur de déstabilisation, les employés tendent à réprimer l’expression de leurs opinions de crainte que celles-ci n’affectent leur standing.
Asie : Décrites comme potentiellement dangereuses pour l’harmonie socio-culturelle et les croyances établies, les activités liées au CM font inévitablement face à des résistances. Prendre position au sein d’une telle culture collectiviste reste difficile. En conséquence, les forums libres apparaissent peu adaptés. Etant donné la faiblesse des interactions entre les employés de première ligne et les niveaux hiérarchiques supérieurs, les activités ciblant en premier ressort les sponsors et les managers donnent des résultats assez mitigés.
Australie : La gestion des résistances et le renforcement du changement constituent ici des défis particuliers. C’est particulièrement vrai lorsque ces tâches sont confiées à une équipe ou à un leader externe (non natif). La communication souffre également d’un manque de fluidité. Les leaders rechignent en effet souvent à discuter ouvertement du changement, tandis que les employés font preuve de méfiance lorsque des informations leur sont fournies. Les cadres font également face à certaines difficultés pour sponsoriser le changement, la “nature démocratique des structures organisationnelles” tendant à saper leur crédibilité. Ce problème est particulièrement aigu dans les organisations gouvernementales.
Canada : La culture du “self-management” entrave ici le déploiement d’activités clés comme la communication ou le coaching externe et limite de façon générale l’implication des cadres.  Dans la mesure où les départements ou groupes travaillent souvent de façon indépendante, une méthodologie trop rigide peut interférer avec les compétences organisationnelles.
USA : Il convient de rappeler que l’autonomie et l’autosuffisance sont des marqueurs de la culture américaine du travail. Le coaching est par conséquent perçu comme une forme malvenue d’autorité. En termes de formation, les activités autodirigées sont largement préférées. Le style managérial top-down et le phénomène de cloisonnement limitent également l’influence des praticiens du CM. Souvent décrites comme trop rigides ou complexes, les méthodologies propres au CM sont parfois mises à mal par les minorités revendicatives et les groupes autonomes.
Europe : Parce que le changement n’est pas ici matière à débat, les transitions individuelles sont souvent négligées. Les pratiques de travail laissent peu de place à l’expression des émotions personnelles, ce qui rend tout face-à-face de ce type particulièrement difficile. 

Indépendamment des raisons exigeant une adaptation des activités, certains facteurs contribuent à promouvoir l’adoption du CM dans l’ensemble des régions. Aider les individus à comprendre les raisons sous-jacentes à un changement donné (ainsi que ses implications sur le plan personnel) plaide en faveur de la discipline. En tant qu’approche éprouvée avec un excellent retour sur investissement, le CM offre également un cadre permettant une évaluation très fine de l’impact du changement et une implémentation structurée. Pèse également dans la balance l’existence d’expériences passées, difficiles en l’absence de mécanismes de gestion du changement ou a contrario réussies parce que soutenues par le CM. Qu’il s’agisse d’obtenir ou de maintenir un avantage compétitif dans un secteur donné, un certain sentiment d’urgence face au changement participe à faire gagner du terrain au CM. Enfin, sur le plan des carrières et de l’avancée professionnelle, le CM est parfois décrit comme une nécessité et suite logique.

Gageons que les efforts entrepris pour mesurer l’impact des différences culturelles sur les pratiques de gestion du changement contribueront à leur tour à renforcer la discipline à l’échelle globale.


 


 

[1] See PROSCI (2018) Best practices in Change Management, Part 4: Adapting and Aligning Change Management, Chapt. 15: Cultural and Change Management – Cultural awareness.

[2] See ibid. – Regional cultural considerations.

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